Guerre Iran-Israël : les réseaux sociaux deviennent un spectacle de mort
Passer ses soirées à observer une guerre en temps réel sur les réseaux sociaux évoque étrangement l'univers du gaming. Et les animateurs de la chaîne des enfants qui sont restés "cool" sous les bombes
Il y a quelque chose de profondément troublant dans cette époque où nous vivons. Je passe mes soirées à naviguer sur l’appli Clubhouse ou Spaces de X (ancien Twitter) où des milliers de personnes se connectent pour écouter en temps réel les témoignages directs des citoyens iraniens. Cette expérience d'observation des réseaux sociaux me fait étrangement penser aux forums de jeux vidéo de guerre - cette même intensité, cette même fascination pour l'analyse tactique en temps réel, ces mêmes commentaires passionnés sur des stratégies qui se déploient sous nos yeux.
Sauf qu'ici, ce ne sont pas des avatars qui tombent, mais des voix tremblantes qui racontent ce qu'elles voient et entendent : les sirènes des missiles israéliens qui résonnent dans Téhéran, les systèmes de défense antiaérienne qui s'activent à Tabriz, les drones israéliens qui survolent les toits d'Ispahan, ou encore les missiles balistiques iraniens qui traversent le ciel de Kermanshah avant de quitter le territoire iranien à destination de Tel-Aviv ou Haïfa.
C'est surréaliste. Nous sommes devenus les spectateurs d'une guerre en direct, commentée en temps réel avec la même ferveur que celle d'une partie de jeu vidéo stratégique ou d'un match de foot.
Je l'avoue, je passe énormément de temps à regarder les vidéos qui circulent sur les réseaux, à lire les messages dans les groupes Telegram - ceux des amis et de la famille, mais aussi ceux des activistes et des journalistes sur place. Chaque notification peut apporter une nouvelle tragédie, un nouveau témoignage, une nouvelle image de cette guerre qui s'intensifie jour après jour.
Comme je l'écrivais dans ma précédente newsletter sur les plus de 30 enfants iraniens tués, les chiffres continuent de grimper de manière alarmante.
Le bilan humain : une tragédie qui s'aggrave
Les derniers bilans sont accablants. Côté iranien, nous parlons désormais de 224 morts, essentiellement des civils, avec des rapports faisant état de 128 personnes tuées, dont 40 femmes et un nombre important d'enfants. Plus de 900 blessés ont été hospitalisés. Nous n’avons pas encore les chiffres de ce soir. Du côté israélien, 17 personnes ont perdu la vie.
L'héroïsme silencieux des présentateurs de "Koodak"
L'histoire de la présentatrice de télévision iranienne qui n'a pas quitté son plateau alors que les missiles israéliens frappaient son studio d’émission est devenue virale. Le bâtiment central de la télévision iranienne était en feu.
Mais ce qui m'a le plus touché, c'est l'histoire des présentateurs de la chaîne "Koodak" - l'équivalent iranien de Gulli. Ils n'ont pas quitté en catastrophe le plateau au moment des frappes israéliennes. Ils sont restés quelques secondes de plus pour terminer leur petit jeu théâtral, souriant et jouant pour ne pas terroriser les enfants qui les regardaient.
Dans ce chaos, ces hommes et ces femmes ont choisi de protéger l'innocence des plus petits, même au péril de leur vie. C'est peut-être là le plus bel acte de résistance humaine face à la barbarie.
L'ombre de Trump plane sur le conflit
Mais le monde n'est pas en rose. Les échos qui nous parviennent des États-Unis sont particulièrement inquiétants. Donald Trump exige une "capitulation sans condition" de l'Iran. Les déclarations du président américain laissent entendre qu'il pourrait donner le feu vert à l'armée américaine pour frapper directement l'Iran.
Je ne suis pas optimiste quant à l'issue de cette affaire. Cette escalade militaire, qui en est déjà à son cinquième jour consécutif de bombardements, risque de nous mener vers un conflit régional aux conséquences imprévisibles.