Comment les femmes sont devenues leader de changements en Iran
Depuis maintenant exactement un mois, il se passe quelque chose d’historique en Iran. Les femmes sont en leadership d’une révolte (ou une révolution?) inédite qui défit le pouvoir religieux.
Le mouvement “Femme, vie, liberté” ne sort pas de nulle part. Il est ancré dans un processus social depuis des décennies. Pour vous donner des clés de compréhension de ce leadership féminin d’un mouvement avant-gardiste, je vous invite à lire ces épisodes de L’Iran, déçu mais debout.
L’instant promo : pour me soutenir dans ce travail, je vous invite à recommander le livre L’Iran, déçu mais debout par ici :
Une Révolution menée par les femmes, des rues aux foyers
J'ai traduit du persan un article de Mohsen Hessam Mazaheri, sociologue à l’université de Téhéran. Il montre la profondeur du mouvement "Femme, vie, liberté" en Iran.
“Les voiles qui ont été retirés et ont été rangés dans les placards, ne seront plus ressortis. Les nœuds des foulards qui ont été desserrés ne seront plus serrés, et les châles qui sont tombés sur les épaules, ne seront plus remis sur les têtes.”
Elles tuent leur Œdipe : une lecture politique des best-sellers des romancières iraniennes
Selon Mohammad Hassan Shahsavari, la littérature féminine en Iran contient un message politique. Un message selon lequel le pouvoir politique continue son ch sans une véritable volonté de changement. Les femmes sont en première ligne pour défier ce pouvoir patriarcal.
Nasim Marashi : « Regardez-moi, je suis une Iranienne et j’ai écrit des livres »
Son best-seller en Iran, « L’automne est la dernière saison de l’année » est traduit en italien et en allemand, mais pas encore en français.
Malgré son opposition active du hijab obligatoire dans son pays, l’obsession omniprésente sur ce sujet, en Iran comme à l’étranger, dérange cette écrivaine iranienne. Elle se retrouve dans une situation compliquée. Elle pense que les opposants et les partisans farouches du hijab obligatoire partagent la même obsession sur le corps des femmes : leurs corps sont politisés dans le regard du public, mais pas ses œuvres.
Si vous cherchez un article synthétisant les faits sur le mouvement “Femme, vie, liberté” en Iran, je vous conseille cet article de Léa Polverini paru sur Slate assez fidèle à la réalité. Il porte également une analyse fine sur de nombreuses tentatives de récupération politique de la révolte.
Comprendre la révolte iranienne sans céder aux récupérations de tous bords
Entre orientalisme et ethnocentrisme, la vision occidentale des événements qui ont suivi la mort de Mahsa Amini en Iran souffre souvent d'une vraie méconnaissance des enjeux locaux, quand elle ne tombe pas carrément dans une forme d'instrumentalisation en France.
Récupération politique de la cause iranienne par les néoconservateurs américains
Dans un scandale d’Etat passé inaperçu auprès du grand public, Farnaz Fassihi, journaliste au New York Times et Negar Mortazavi, journaliste chez Foreign Policy et The Independent, ont toutes les deux fait partie des victimes de ces campagnes de harcèlement ciblées par les néoconservateurs américains financés par l’argent public. Néanmoins, elles ont réussi à documenter ces opérations illégales de répression des activistes pro démocratie d’origine moyen-orientale et plus particulièrement iraniennes.
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Parlant de récupération des groupes d’intérêts politique, je vous invite à lire la deuxième lettre que Yâsaman Mansoori, dont vous avez lu son invitation pour soutenir les Iraniennes, car elle aussi est inquiète à ce sujet.
La monarchie iranienne : une nostalgie malvenue
Afin d’éviter toute récupération politique par la droite ou l’extrême droite (même si c’est déjà trop tard), sachez que les Iraniennes mènent le même combat que les femmes en France qui souhaitent le porter ; celui d’avoir le choix, celui de contrôler leur corps sans qu’un homme leur impose ce qu’elles doivent en faire. Aucune femme iranienne ne souhaite qu’on retire de force le voile porté par conviction à leur mère, leur sœur, leur tante ou leur grand-mère.
Les messages de soutien abondent sur Facebook, twitter et surtout Instagram. On partage et repartage des discours de personnes censées soutenir les manifestations mais qui sont en fait des soutiens aux monarchistes, à la dynastie des Pahlavi, renversée par la Révolution de 1979.
Lorsque le mari américano-iranien de Britney Spears, Sam Asghari aux trois millions de followers sur Instagram, enregistre une vidéo pour expliquer ce qu’il se passe en Iran mais finit par diffuser ses idées selon lesquelles l’Iran était un pays gouverné par un roi bon et juste, un règne où le peuple avait de l’espoir et était libre, cela pose problème.
Lorsque des vidéos Instagram montrent l’Iran avant 1979 avec des femmes en minijupes, cheveux détachés censées représenter la femme libre et l’Iran après la Révolution avec des femmes en tchadors noirs signes de dictature religieuse, cela pose problème.
Ces détournements de la réalité historique, politique et sociétale de l’Iran sont des simplifications de ce qu’était aussi bien l’Iran sous la dynastie des Pahlavi que sous la République islamique d’Iran. Ces dictatures existaient et existent, simplement de différentes manières. Ne faites pas du voile l’expression de l’oppression. Vivre en Iran avant 1979, c’est ne pas avoir le droit de s’exprimer librement, c’est possiblement finir en prison ou exécuté parce qu’on s’est opposé au Shah, c’est vivre dans la pauvreté pendant que la cour royale ne cesse de donner une image d’abondance, de progrès aux pays étrangers, occidentaux surtout.
La Révolution n’a pas été menée pendant deux ans (1977-1979) par simplement des personnes religieuses souhaitant mettre au pouvoir Khomeini et un islam politique. C’est bien le peuple, dans son entièreté, des millions de personnes qui se sont soulevées, aussi bien les personnes éduquées, non éduquées, des villes urbaines que des villages, des riches que des pauvres, des athées que des religieux. Leur seule volonté était de se débarrasser du Shah, quoi qu’il en coûte. Khomeini était alors le seul réel opposant et tout le monde s’est alors rangé de son côté. Évidemment, personne n’avait idée de ce qu’il allait se passer à la suite de son arrivée au pouvoir …
Ne nous faisons donc pas la voix des monarchistes qui, en utilisant la nostalgie par les images, romantisent la réalité et offrent une seule lecture de celle-ci. Ne faisons pas de
cette lutte des Iraniennes et Iraniens du pain béni pour les soutiens encore trop nombreux de la monarchie Pahlavi. Aujourd’hui, ils luttent pour les mêmes raisons qu’il y a 43 ans ; la fin de la tyrannie, la justice sociale, l’égalité des droits et la liberté. Le combat est le même ; lutter contre l’oppresseur, un dictateur puis un autre.
Yâsaman Mansoori